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mercredi 23 février 2011

Ascenseur

Dans la poche droite de mon pantalon, mes mains moites caressent nerveusement les billets froissés.
Je monte avec quelque difficulté les quelques marches du perron et franchis, le cœur battant, la porte d'entrée de l'immeuble. Au troisième étage, se trouve celle qui détient la clé, symbole de ma nouvelle vie, de ma naissance en tant qu'adulte. La plupart de mes amis ont déjà mis la main dessus, ils ont déjà ouvert la porte et sont passés de l'autre côté. Aujourd'hui, c'est mon tour. Et pour cette grande occasion, j'ai mis les bouchées doubles : j'ai rasé le léger duvet qui commençait à naître au dessus de ma lèvre supérieure, revêtu mes plus beaux habits et réussit à dompter, grâce au peigne paternel et à une patience sans faille, ma chevelure rebelle.
Les jambes tremblantes, je ne me sens pas le courage de monter à pied les trois étages qui nous séparent, aussi décidé-je de prendre l'ascenseur. Après tout, il serait peut-être judicieux de garder ses forces pour l'affronter. J'écarte d'une main la grille de fer et m'engouffre dans le caisson. Avant de presser le petit bouton doré qui me déposera à l'endroit désiré, je jette un dernier coup d'œil à mon reflet dans le miroir : un garçon dans la fleur de l'âge, pas un ange de beauté, mais pas trop mal non plus, des petits yeux noisettes malicieux, des traits réguliers, des cheveux aile-de-corbeau et un corps bien dessiné, le résultat n'est pas trop vilain.
Après cette petite vérification esthétique, je me décide à appuyer sur le bouton. Dans un fracas métallique, la cage se met en route et commence à courir le long du câble. L'ascenseur et le stress qui m'envahit, dans un synchronisme parfait, montent lentement, mais sûrement. Est-ce que l'argent difficilement gagné, à la sueur de mon front, suffira à payer le prix du passage ? Est-ce qu'il faudra que je lui parle ? Est-ce que, si tel est le cas, je saurai trouver les mots ?
Les questions à peine posées resteront sans réponse car un tintement cuivré m'avertit que je suis arrivé. Mes bras tétanisés par l'appréhension réussissent tant bien que mal à faire coulisser la grille de fer mais, avant de poser le pied sur le pallier, je prends le temps d'inspirer profondément afin d'évacuer les doutes, les incertitudes et les tergiversations. L'heure de fouler les planches a sonné et je saurais ne pas faire marche arrière. L'ardeur retrouvée, je m'extirpe de l'élévateur. C'est alors que je l'aperçois.
Couverte d'un simple peignoir rose, elle m'attend dans l'embrasure de la porte. Ses cheveux blonds, qui coulent jusqu'à sa poitrine, sont d'un blond étincelant ; ses lèvres, peintes en rouge, sont une invitation au péché ; ses yeux, ornés d'une ombre violette, sont des armes capables de mettre à mort quiconque croise son regard. D'un geste assuré de la main, elle m'invite à la rejoindre. Elle me regarde m'approcher, puis, lorsque j'arrive enfin à sentir les lourdes effluves de son parfum, elle me délaisse, s'éloigne de moi et avance dans le couloir de cette bonbonnière bigarrée. Prenant mon courage à deux mains, je l'imite et pénètre dans le boudoir qui recueillera le fruit de mes premiers émois. Je referme, en la faisant claquer, la lourde porte de merisier. Je suis entré dans l'immeuble en tant que jeune innocent ; quand j'en sortirai, dans quelques instants, je serai différent.

jeudi 17 février 2011

El Señor Presidente, Miguel Ángel Asturias

Miguel Cara de Ángel, el hombre de toda la confianza del Presidente, entró de sobremesa.
—¡Mil excusas, señor Presidente! —dijo al asomar a la puerta del comedor. (Era bello y malo como Satán)—. ¡Mil excusas, Señor Presidente, si vengo-ooo... pero tuve que ayudar a un leñatero con un herido que recogió de la basura y no me fue posible venir antes! ¡Informo al Señor Presidente que no se trataba de persona conocida, sino de uno así como cualquiera!
El Presidente vestía, como siempre, de luto riguroso: negros los zapatos, negro el traje, negra la corbata, negro el sombrero que nunca se quitaba; en los bigotes canos, peinados sobre las comisuras de los labios, disimulaba las encías sin dientes, tenía los carrillos pellejudos y los párpados como pellizcados.
—¿Y se lo llevó adonde corresponde?... —interrogó desarrugando el ceño...
—Señor...
—¡Qué cuento es ése! ¡Alguien que se precia de ser amigo del Presidente de la República no abandona en la calle a un infeliz herido víctima de oculta mano!
Un leve movimiento en la puerta del comedor le hizo volver la cabeza.
—Pase, general...
—Con el permiso del Señor Presidente...
—¿Ya están listos, general?
—Sí, Señor Presidente...
—Vaya usted mismo, general; presente a la viuda mis condolencias y hágale entrega de esos trescientos pesos que le manda el Presidente de la República para que se ayude en los gastos del entierro.
El general, que permanecía cuadrado, con el quepis en la diestra, sin parpadear, sin respirar casi, se inclinó, recogió el dinero de la mesa, giró sobre los talones y, minutos después, salió en automóvil con el féretro que encerraba el cuerpo de ese animal.
Cara de Ángel se apresuró a explicar:
—Pensé seguir con el herido hasta el hospital, pero luego me dije: «Con una orden del Señor Presidente lo atenderán mejor.» Y como venía para acá a su llamado y a manifestarle una vez más que no me pasa la muerte que villanos dieron por la espalda a nuestro Parrales Sonriente...
—Yo daré la orden...
—No otra cosa podía esperarse del que dicen que no debía gobernar este país...
El Presidente saltó como picado.
—¿Quiénes?
—¡Yo, el primero, Señor Presidente, entre los muchos que profesamos la creencia de que un hombre como usted debería gobernar un pueblo como Francia, o la libre Suiza, o la industriosa Bélgica o la maravillosa Dinamarca!... Pero Francia..., Francia sobre todo... ¡Usted sería el hombre ideal para guiar los destinos del gran pueblo de Gambetta y Víctor Hugo!


Miguel Gueule d'Ange, l'homme en qui le Président avait une confiance totale, arriva une fois le repas fini.
« Milles excuses, monsieur le Président ! – dit-il en entrant par la porte de la salle à manger. (Il était beau et mauvais comme Satan) – Milles excuses, monsieur le Président, j'arrive à l'instant ... c'est qu'il m'a fallu aider un bûcheron qui avait extrait des poubelles une personne blessée et je n'ai pas pu être là avant. J'informe monsieur le Président qu'il ne s'agissait en aucun cas d'une personne connue, mais d'un simple citoyen lambda.»
Le Président était, comme toujours, habillé en tenue de deuil : chaussures noires, costume noir, cravate noire, et chapeau noir qu'il n'enlevait jamais. Sa moustache plus sel que poivre, peignée aux commissures des lèvres, dissimulait des gencives sans dents, il avait la peau des joues flasque et les paupières comme pincées.
« Et vous l'avez conduit où il convenait ?... – demanda-t-il en relevant les sourcils...
– Monsieur …
– Qu'est ce que vous me chantez là ? Quelqu'un qui se targue d'être l'ami du Président de la République n'abandonne pas dans la rue une malheureuse victime, blessée par on ne sait qui. »
Un léger mouvement près de la porte de la salle à manger lui fit tourner la tête.
« Entrez, général...
– Avec votre permission, monsieur le Président, …
– Est-ce qu'ils sont prêts, général ?
– Oui, monsieur le Président.
– Que ce soit vous qui y alliez, général. Présentez à la veuve mes condoléances et remettez lui ces trois cents pesos que le Président de la République lui envoie afin qu'elle puisse payer les frais liés à l'enterrement.
Le général, qui se maintenait au garde à vous, le képi à la main droite, sans cligner des yeux, presque sans respirer, s'inclina, récupéra l'argent sur la table, tourna les talons et, quelques minutes plus trad, sortit en voiture, avec le cercueil qui enfermait le corps de cet animal. »
Gueule d'Ange se hâta de s'expliquer :
« J'ai pensé accompagner le blessé à l'hôpital, mais ensuite je me suis dit :  "Avec un mot de monsieur le Président, ils s'en occuperont certainement mieux". Et, comme je venais là, non seulement sur votre commandement, mais aussi pour vous avouer une fois de plus que je ne me remets pas de la mort de « Parrales Sonriente », causée par ces scélérats...
– Je leur en donnerai l'ordre.
– Je ne pouvais espérer rien d'autre de celui dont on dit qu'il ne devrait pas gouverner ce pays.
Le Président sursauta, comme offusqué.
– Qui « on » ?
– Moi le premier, monsieur le Président, je suis de ceux qui répandent l'idée qu'un homme comme vous devrait gouverner un pays comme la France, ou la libre Suisse, ou l'industrieuse Belgique, ou le merveilleux Danemark ! Mais la France... la France surtout... Vous seriez l'homme idéal pour guider le destin des concitoyens de Gambetta et de Victor Hugo ! »

dimanche 13 février 2011

Las ratas, Miguel Delibes

Poco después de amanecer, el Nini se asomó a la boca de la cueva y contempló la nube de cuervos reu­nidos en concejo. Los tres chopos desmochados de la ribera, cubiertos de pajarracos, parecían tres paraguas cerrados con las puntas hacia el cielo. Las tierras ba­jas de don Antero, el Poderoso, negreaban en la dis­tancia como una extensa tizonera.
La perra se enredó en las piernas del niño y él le acarició el lomo a contrapelo, con el sucio pie desnu­do, sin mirarla; luego bostezó, estiró los brazos y le­vantó los ojos al lejano cielo arrasado:
-El tiempo se pone de helada, Fa. El domingo iremos a cazar ratas -dijo.
La perra agitó nerviosamente el rabo cercenado y fijó en el niño sus vivaces pupilas amarillentas. Los párpados de la perra estaban hinchados y sin pelo; los perros de su condición rara vez llegaban a adul­tos conservando los ojos; solían dejarlos entre la ma­leza del arroyo, acribillados por los abrojos, los zara­güelles y la corregüela.

Peu de temps après le lever du soleil, le Nini sortit par la bouche de la grotte et contempla le nuage de corbeaux réunis en assemblée. Les trois peupliers noirs écimés, peuplant la rive, ressemblaient, couverts de volatiles, à trois parapluies fermés, les pointes orientées vers le ciel. Les basses-terres de Don Antero le Puissant noircissaient au loin comme du charbon. La chienne se blottit entre les jambes du garçon qui, sans un regard et de son pied nu et sale, la caressa à contrepoil. Il se mit ensuite à bailler, étira ses bras et leva les yeux vers le lointain ciel satiné.
« Les premières gelées sont sur le point d'arriver, Fa. Dimanche, nous irons chasser les rats – déclara-t-il. »
La chienne remua nerveusement sa queue rognée et fixa ses vives pupilles jaunâtres dans celles du garçon. Les paupières de la chienne étaient enflées et glabres : rares étaient les chiens de sa condition à atteindre l'âge adulte les yeux intacts. La plupart du temps, ils les perdaient dans les broussailles des fleuves, arrachés par les chardons, les roseaux et le liseron.

vendredi 11 février 2011

Gracias por el fuego, Mario Bendetti

La ventana se abre a la calma chicha. Allá abajo, los plátanos. Por lo menos la mitad de las hojas están inmóviles, y el movimiento de las otras es apenas un estremecimiento. Como si alguien les hiciera cosquillas. Transpiro como un condenado. El aire está tenso, pero ya sé que nada va a estallar. ¿Qué puedo decirme? Éste es el momento, estoy seguro. En los días en que estuve alegre, siempre me falseé, siempre creí en lo que no soy, la vida color de rosa, etcétera. En las noches en que me sentí tan mal como para llorar a gritos, no lloré a gritos sino silenciosamente, tapado por la almohada. Pero allí también uno exagera. No se puede ser lúcido con el pecho
hinchado de congoja, o de desesperación. Mejor llamémosle desesperación. Sólo para mí, claro. Que los demás cuelguen sus etiquetas: hipocondría, neurastenia, luna. Yo he llegado a un pacto conmigo mismo y por eso la llamo desesperación. Éste es el momento, estoy seguro,
porque no estoy alegre ni desesperado. Estoy, cómo decirlo, simplemente tranquilo. No, ya me falseo. Estoy horriblemente tranquilo. Así está mejor.

La fenêtre s'ouvre sur un calme plat. En contrebas, les bananiers. La moitié des feuilles au moins reste immobile, et le mouvement des autres n'est guère plus qu'un frémissement. Comme si quelqu'un les chatouillait. Je transpire à grosses gouttes. Il y a de l'orage dans l'air, mais je sais déjà que rien ne va éclater. Qu'est-ce que je peux me dire ? Le moment est arrivé, j'en suis sûr. Les jours pendant lesquels je fus heureux, je me suis toujours leurré, je me suis menti à moi même, croyant à la vie en rose, … Ces nuits où je me sentais si mal que j'aurais pu hurler de chagrin, je ne l'ai pas fait, j'ai pleuré silencieusement, la tête dans l'oreiller. Mais, là aussi, on exagère ; on ne peut être lucide avec le cœur gonflé d'angoisse, ou de désespoir. Appelons-le plutôt désespoir. Du moins en ce qui me concerne, c'est clair. Les autres, qu'ils mettent dessus le nom qu'ils veulent : hypocondrie, neurasthénie, inconstance. Moi, je suis arrivé à un pacte avec moi-même et c'est pour cela que je l'appelle désespoir. C'est le moment, j'en suis sûr, parce que je ne suis ni heureux, ni désespéré. Je suis, comment dire, juste tranquille. Non, encore une fois, je me leurre. Je suis horriblement tranquille. Oui, c'est plutôt ça.

mercredi 9 février 2011

La uña, Max Aub

Querida mujercita mía,
Siempre me dices que te cuente cosas de mis viajes. Créeme, esto es lo más tonto del mundo; todos los puertos son iguales y, na­turalmente, todos los países son los mismos; si no fuese por la lejanía que me separa de ti, me figuraría estar en nuestro puerto y surcando nuestro mar cons­tantemente; hace más calor, hace más frío, según; pero eso también lo tenéis vosotros naturalmente, sin moveros, con el invierno y el verano, no como noso­tros, que parece que nos los vayamos fabricando a placer.
El no poder vivir contigo en nuestra casa, es lo que me hace notar las distancias; miro el mapa y me digo; estoy a tantas horas de las zapatillas rojas con bordados negros, que me regalaste para mi san­to, hace dos años. Pero, referente a cuanto me pre­guntas acerca de impresiones nuevas, te repito que todo es igual a nuestro puerto y a nuestro mar. Lo demás, querida, son historias.

Ma chère petite femme,
Tu me demandes toujours de te raconter mes souvenirs de voyage. Crois-moi, il n'y a rien de plus inintéressant. Tous les ports se ressemblent et, par conséquent, tous les pays sont les mêmes. Si ce n'était la distance qui me sépare de toi, je m'imaginerais dans notre port, sillonnant sans cesse les flots de notre mer. Il fait plus chaud, il fait plus froid, c'est selon ; mais vous aussi, sans vous déplacer, avec l'hiver et l'été, tout naturellement vous avez la même chose, contrairement à nous qui créons, semble-t-il, les saisons à notre fantaisie.
Le fait de ne pouvoir vivre à tes côtés dans notre maison, voilà ce qui me fait ressentir l'éloignement. Je regarde la carte du monde et je me dis : « Je suis à des heures de ces chaussures rouges ornées de noir que tu m'as offertes pour ma fête, il y a deux ans ».
Mais, en ce qui concerne tes questions au sujet de mes impressions nouvelles, je te répète que tout est identique à notre port et à notre mer. Le reste, chérie, ce sont des histoires.

lundi 7 février 2011

Las aventuras del capitán Morris, Adolfo Bioy Casares

Morris no tenía miedo ; tal vez si hubiera conocido el miedo se hubiera defendido mejor. Afortunadamente, le interesaban las mujeres, "y usted sabe cómo les gusta agrandar los peligros y lo cavilosas que son". La otra vez la enfermera le había tomado la mano para convencerlo del peligro que lo amenazaba; ahora Morris la miró en los ojos y le preguntó el significado de la confabulación que había contra él. La enfermera repitió lo que había oído: su afirmación de que el 23 había probado el Breguet en El Palomar era falsa; en El Palomar nadie había probado aeroplanos esa tarde. El Breguet era de un tipo recientemente adoptado por el ejército argentino, pero su numeración no correspondía a la de ningún aeroplano del ejército argentino. "¿Me creen espía?", preguntó con incredulidad. Sintió que volvía a enfurecerse. Tímidamente, la enfermera respondió: "Creen que ha venido de algún país hermano." Morris le juró como argentino que era argentino, que no era espía; ella pareció emocionada, y continuó en el mismo tono de voz : "El uniforme es igual al nuestro ; pero han descubierto que las costuras son diferentes." Agregó : "Un detalle imperdonable", y Morris comprendió que ella tampoco le creía. Sintió que se ahogaba de rabia, y, para disimular, la besó en la boca y la abrazó.

Morris n'avait pas peur. S'il avait connu la peur, peut-être se serait-il mieux défendu. Par chance, les femmes l'intéressaient, « et vous savez bien comme elles aiment exagérer les dangers et comme elles s'inquiètent à outrance ». L'autre jour, l'infirmière lui avait pris la main pour le convaincre du danger qui planait sur lui. Aujourd'hui, Morris la regarda dans les yeux et lui demanda ce que signifiait ce complot contre sa personne. L'infirmière lui répéta ce qu'elle avait entendu : son affirmation selon laquelle le 23, il était monté à bord du Breguet à El Palomar était fausse ; cette après-midi là, aucun avion n'avait effectué de vol. Le Breguet faisait partie d'un modèle récemment adopté par l'armée argentine, mais sa numérotation ne correspondait à celle d'aucun avion de cette même armée. « Croient-ils que je suis un espion ? » lui demanda-t-il, incrédule. Il sentit que la fureur le gagnait de nouveau. Timidement, l'infirmière répondit : « Ils pensent que vous venez d'un pays allié ». Morris lui jura, comme argentin, qu'il était argentin, qu'il n'était pas un espion. Elle parut émue, mais poursuivit sur le même ton : « L'uniforme est le même que le nôtre, mais ils ont découvert que les coutures étaient différentes ». Elle ajouta : « Un détail impardonnable », Morris comprit alors qu'elle non plus ne le croyait pas. Il sentit la colère l'étouffer et, pour le dissimuler, il l'embrassa sur la bouche et l'étreignit.

samedi 5 février 2011

El fin de la locura, Jorge Volpi

La historia de su crimen posee una economía dramática ejemplar. Imaginemos la escena: en una típica casa burguesa de provincias, la estricta señora Lancelin y su hija Géneviéve pasan la tarde bordando pañuelos o jugando a las cartas; en el otro extremo de la propiedad, sus dos sirvientas, pulcras y uniformadas, bregan con sus propias labores: mientras Christine plancha la ropa —nadie deja los corpinos tan bien almidonados como ella—, la pequeña Lea pliega las prendas y las coloca en las gavetas de sus amas. La previsible rutina se quiebra de pronto cuando uno de los apagones que con tanta frecuencia se producen en la zona sumerge la casa de la señora Lancelin en una tiniebla violenta y azulosa. Como una señal acordada —esa imprevista oscuridad es la llamada al reino de la insania—, Christine se transforma en un ángel de venganza, en una parca, en la irracional ejecutora de un dios enloquecido.

L'histoire de son crime jouit d'une économie dramatique exemplaire. Imaginons la scène. Dans une maison bourgeoise de province des plus typiques, la sévère madame Lancelin et sa fille Géneviéve passent l'après-midi à broder des mouchoirs ou à jouer au cartes, alors qu'à l'autre extrémité de la demeure, leurs deux employées de maison, parfaitement soignées dans leurs uniformes, se consacrent aux travaux qui sont les leurs : pendant que Christine repasse le linge –-personne n'amidonne mieux les bustiers–-, la jeune Lea plie les vêtements et les range dans les tiroirs de ses maîtresses. La prévisible routine se brise lorsque, soudainement, une de ces pannes d'éléctricité, si fréquentes dans cette zone, plonge la maison de madame Lancelin dans de violentes ténèbres bleutées. Comme s'il s'agissait d'un signal convenu –-cette obscurité imprévue étant l'invitation au royaume de l'insanité–- Christine se transforme en un ange de vengeance, en une Parque, en l'exécutrice irrationnelle d'un dieu déchaîné.

mercredi 2 février 2011

El pintor de batallas, Arturo Pérez-Reverte

Nadó ciento cincuenta brazadas mar adentro y otras tantas de regreso, como cada mañana, hasta que sintió bajo los pies los guijarros redondos de la orilla. Se secó utilizando la toalla que estaba colgada en el tronco de un árbol traído por el mar, se puso camisa y zapatillas, y ascendió por el estrecho sendero que remontaba la cala hasta la torre vigía. Allí se hizo un café y empezó a trabajar, sumando azules y grises para definir la atmósfera adecuada. Durante la noche -cada vez dormía menos, y el sueño era una duermevela incierta- había decidido que necesitaría tonos fríos para delimitar la línea melancólica del horizonte, donde unaclaridad velada recortaba las siluetas de los guerreros que caminaban cerca del mar. Eso los envolvería en la luz que había pasado cuatro días reflejando en las ondulaciones del agua en la playa mediante ligeros toques de blanco de titanio, aplicado muy puro. Asdí que mezcló, en un frasco, blanco, azul y una mínima cantidad de siena natural hasta quebrarlo en un azul luminoso. Después hizo un par de pruebas sobre la bandeja de horno que usaba como paleta, ensució la mezcla con un poco de amarillo y trabajó sin detenerse durante el resto de la mañana. 

Il nagea, comme chaque matin, cinquante brasses vers le large et autant pour le retour, jusqu'à sentir sous ses pieds les galets ronds du bord de mer. Il utilisa pour se sécher la serviette accrochée à un tronc d'arbre emporté par la mer, revêtit une chemise et une paire de chaussures, et emprunta l'étroit sentier en pente qui montait de la crique jusqu'à la tour de guet. Là, il se fit un café et commença à travailler, mélangeant bleus et gris afin de définir l'atmosphère adéquate. Pendant la nuit, où il dormait de moins en moins, le sommeil n'étant autre qu'un repos incertain, il avait décidé qu'il aurait besoin de tons froids pour délimiter la ligne mélancolique de l'horizon, où une clarté voilée découpait les silhouettes des guerriers marchant près de la mer. Cela permettrait de les envelopper dans la lumière qu'il s'était efforcé à déposer pendant quatre jours sur les ondulations de l'eau en bord de mer, grâce à de légères touches de blanc de titane, appliquées finement. Aussi mélangea-t-il dans un pot du blanc, du bleu et une infime quantité de sienne naturelle jusqu'à obtenir un bleu lumineux. Après quelques tests sur la plaque de four qui lui servait de palette, il ajouta au mélange une touche de jaune et travailla sans relâche tout le reste de la matinée.