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vendredi 11 février 2011

Gracias por el fuego, Mario Bendetti

La ventana se abre a la calma chicha. Allá abajo, los plátanos. Por lo menos la mitad de las hojas están inmóviles, y el movimiento de las otras es apenas un estremecimiento. Como si alguien les hiciera cosquillas. Transpiro como un condenado. El aire está tenso, pero ya sé que nada va a estallar. ¿Qué puedo decirme? Éste es el momento, estoy seguro. En los días en que estuve alegre, siempre me falseé, siempre creí en lo que no soy, la vida color de rosa, etcétera. En las noches en que me sentí tan mal como para llorar a gritos, no lloré a gritos sino silenciosamente, tapado por la almohada. Pero allí también uno exagera. No se puede ser lúcido con el pecho
hinchado de congoja, o de desesperación. Mejor llamémosle desesperación. Sólo para mí, claro. Que los demás cuelguen sus etiquetas: hipocondría, neurastenia, luna. Yo he llegado a un pacto conmigo mismo y por eso la llamo desesperación. Éste es el momento, estoy seguro,
porque no estoy alegre ni desesperado. Estoy, cómo decirlo, simplemente tranquilo. No, ya me falseo. Estoy horriblemente tranquilo. Así está mejor.

La fenêtre s'ouvre sur un calme plat. En contrebas, les bananiers. La moitié des feuilles au moins reste immobile, et le mouvement des autres n'est guère plus qu'un frémissement. Comme si quelqu'un les chatouillait. Je transpire à grosses gouttes. Il y a de l'orage dans l'air, mais je sais déjà que rien ne va éclater. Qu'est-ce que je peux me dire ? Le moment est arrivé, j'en suis sûr. Les jours pendant lesquels je fus heureux, je me suis toujours leurré, je me suis menti à moi même, croyant à la vie en rose, … Ces nuits où je me sentais si mal que j'aurais pu hurler de chagrin, je ne l'ai pas fait, j'ai pleuré silencieusement, la tête dans l'oreiller. Mais, là aussi, on exagère ; on ne peut être lucide avec le cœur gonflé d'angoisse, ou de désespoir. Appelons-le plutôt désespoir. Du moins en ce qui me concerne, c'est clair. Les autres, qu'ils mettent dessus le nom qu'ils veulent : hypocondrie, neurasthénie, inconstance. Moi, je suis arrivé à un pacte avec moi-même et c'est pour cela que je l'appelle désespoir. C'est le moment, j'en suis sûr, parce que je ne suis ni heureux, ni désespéré. Je suis, comment dire, juste tranquille. Non, encore une fois, je me leurre. Je suis horriblement tranquille. Oui, c'est plutôt ça.

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