Libellés

mercredi 30 mars 2011

Le Vide

Une symphonie silencieuse. Des parchemins jaunis sur lequel se côtoient, parallèles et malheureuses, des lignes de portée nues, évidées, creusées. Un récital pour violon, sans violon, ni archet. Une liasse de vélin noirci de routes sans automobiliste mélodique, sans humanité harmonieuse, sans fa, sans sol, sans ré. Exit les accords de joie, exit les croches de moi. Envolées les langoureuses notes de souvenirs. Annihilés les cris lancinants du triste instrument. Disparus les tremblements assurés du violoniste chevronné.
Rien de plus qu'un reste de liber asséché. Rien de plus que la marque estompée des notes de l'existence. La marque, aujourd'hui illisible, d'un jadis occupé. La marque du passage d'un Dieu malveillant, à l'inspiration destructrice, qui, en un gonflement de poumons, aurait absorbé la vitale palpitation du papier. Rien que du blanc strié de noir. Une mélodie insondable, inouïe, impalpable. La mélodie du vide, la mélodie du néant, la mélodie du rien. L'absence de tout attendant ardemment la présence d'un rien.

mardi 29 mars 2011

Mario Benedetti, Buzón de tiempo

CONCILIAR EL SUEÑO

Lo que ocurre, doctor, es que en mi caso los sueños vienen por ciclos temáticos. Hubo una época en que soñaba con inundaciones. De pronto los ríos se desbordaban y anegaban los campos, las calles, las casas y hasta mi propia cama. Fíjense que en sueños aprendí a nadar y gracias a eso sobreviví a las catástrofes naturales. Lamentablemente, esa habilidad tuvo una vigencia sólo onírica, ya que un tiempo después pretendí ejercerla, totalmente despierto, en la piscina de un hotel y estuve a punto de ahogarme.
Luego vino un período en que soñé con aviones. Más bien, con un solo avión, porque siempre era el mismo. La azafata era feúcha y me trataba mal. A todos les deba champán, menos a mí. Le pregunté por qué y ella me miró con un rencor largamente programado y me contestó: «Vos bien sabes por qué». Me sorprendió tanto aquel tuteo que casi me despierto. Además, no imaginaba a qué podía referirse. En esa duda estaba cuando el avión cayó en un pozo de aire y la azafata feúcha se desparramó en el pasillo, de tal manera que la minifalda se le subió y pude comprobar que abajo no llevaba nada. Fue precisamente ahí que me desperté, y, para mi sorpresa, no estaba en mi cama de siempre sino en un avión, fila 7 asiento D, y una azafata con rostro de Gioconda me ofrecía en inglés básico una copa de champán. Como ve, doctor, a veces los sueños son mejores que la realidad y también viceversa. ¿Recuerda lo que dijo Kant? El sueño es un arte poético involuntario.
En otra etapa soñé reiteradamente con hijos. Hijos que eran míos. Yo, que soy soltero y no los tengo ni siquiera naturales. Con el mundo como está, me parece un acto irresponsable concebir nuevos seres. ¿Usted tiene hijos? ¿Cinco? Excuse me. A veces digo cada pavada.
Los niños de mi sueño eran bastante pequeños. Algunos gateaban y otros se pasaban la vida en el baño. Al parecer, eran huérfanos de madre, ya que ella jamás aparecía y los niños no habían aprendido a decir mamá. En realidad, tampoco me decían papá, sino que en su media lengua me llamaban «turco». Tan luego a mí, que vengo de abuelos coruñeses y bisabuelos lucenses. «Turco, vení», «Turco, quero la papa», «Turco, me hice pipí». En uno de esos sueños, bajaba yo por una escalera medio rota, y zás, me caí. Entonces el mayorcito de mis nenes me miró sin piedad y dijo: .Turco, jodete.. Ya era demasiado, así que desperté de apuro a mi realidad sin angelitos.
En un ciclo posterior de fútbol soñado, siempre jugué de guardameta o gotero o portero o goalkeeper o arquero. Cuántos nombres para una sola calamidad. Siempre había llovido antes del partido, así que las canchas estaban húmedas y era inevitable que frente a la portería se formara un laguito. Entonces aparecía algún delantero que me fusilaba con ganas, y en primera instancia yo atajaba, pero en segunda instancia la pelota mojada se escabullía de mis guantes y pasaba muy oronda la línea del gol. A esa altura del partido (nunca mejor dicho), yo anhelaba con fervor despertarme, pero todavía me faltaba escuchar cómo la tribuna a mis espaldas me gritaba unánimemente: traidor, vendido, cuánto te pagaron y otras menudencias.
En los últimos tiempos mis aventuras nocturnas han sido invadidas por el cine. No por el cine de ahora, tan venido a menos, sino por el de antes, aquel que nos conmovía y se afincaba en nuestras vidas con rostros y actitudes que eran paradigmas. Yo me dedico a soñar con actrices. Y qué actrices: digamos Marilyn Monroe, Claudia Cardinale, Harriet Andersson, Sonia Braga, Catherine Deneuve, Anouk Aimée, Liv Ullmann, Glenda Jackson y otras maravillas. (A los actores, mi Morfeo no les otorga visa.) Como ve, doctor, la mayoría son veteranas o ya no están, pero yo las sueño tal como aparecían en las películas de entonces. Verbigracia, cuando le digo Claudia Cardinale, Harriet Andersson, Sonia Braga, Catherine Deneuve, Anouk Aimée, Liv Ullmann, Glenda Jackson y otras maravillas. (A los actores, mi Morfeo no les otorga visa.) Como ve, doctor, la mayoría son veteranas o ya no están, pero yo las sueño tal como aparecían en las películas de entonces. Verbigracia, cuando le digo Claudia Cardinale, no se trata de la de ahora (que no está mal) sino la de La ragazza con la valiglia, cuando tenía 21.
Marilyn, por ejemplo, se me acerca y me dice en un tono tiernamente confidencial: «I don’t love Kennedy. I love you. Only you. Sepa usted que en mis sueños las actrices hablan a veces en versión subtitulada y otras veces dobladas al castellano. Yo prefiero los subtítulos, ya que una voz como la de Glenda Jackson o la de Catherine Deneuve son insustituibles.
Bueno, en realidad vine a consultarle porque anoche soñé con Anouk Aimée, no la de ahora (que tampoco está mal) sino la de Montparnasse 19, cuando tenía unos fabulosos 26 años. No piense mal. No la toqué ni me tocó. Simplemente se asomó por una ventana de mi estudio y sólo dijo (versión doblada): «Mañana de noche vendré a verte, pero no a tu estudio sino a tu cama. No lo olvides».
Cómo voy a olvidarlo. Lo que yo quisiera saber, doctor, es si los preservativos que compro en la farmacia me servirán en sueños?.Porque ¿sabe? no quisiera dejarla embarazada.

TROUVER LE SOMMEIL

Ce qui m'arrive, docteur, c'est que chez moi, les rêves arrivent par cycles thématiques. Fut un temps où je rêvais d'inondations. D'un seul coup, les fleuves entraient en crue et inondaient les champs, les rues, les maisons et même mon propre lit. Rendez-vous compte, docteur, que dans mes rêves, j'ai quand même appris à nager et que c'est grâce à ça que j'ai survécu aux catastrophes naturelles. Bien malheureusement, cette aptitude n'avait une validité qu'onirique, parce qu'un beau jour, j'ai eu la prétention de la mettre en pratique, totalement éveillé, dans la piscine d'un hôtel et sur le coup, j'ai bien failli me noyer.
Après ça, il y a eu une période où je rêvais d'avions. Enfin, plus exactement d'un seul avion, parce que c'était toujours le même. L'hôtesse de l'air était vilaine et elle me traitait mal. À tous les autres, elle offrait du champagne, mais pas à moi. Alors, je lui demande pourquoi et là, elle me regarde avec une rancœur sans gène et elle me répond : « Tu sais très bien pourquoi ». J'ai été tellement sidéré par ce tutoiement que j'ai été à deux doigts de me réveiller. En plus, j'avais aucune idée de ce qu'elle voulait dire. Donc, je suis en plein questionnement quand l'avion tombe dans un trou d'air et la vilaine hôtesse se ramasse, dans le couloir, de telle façon que sa minijupe remonte et je peux voir qu'elle ne porte rien dessous. C'est précisément ça qui me fait me réveiller et là, à ma grande surprise, je suis pas dans mon lit, mais dans un avion, rangée numéro sept, place D, et une hôtesse avec un visage de Joconde m'offre, dans un anglais de base, une coupe de champagne. Docteur, comme vous pouvez le constater, il arrive que les rêves soient mieux que la réalité, mais l'inverse arrive aussi. Vous vous rappelez ce qu'a dit Kant ? Le rêve est un art poétique involontaire.
Un peu plus tard, pendant un temps, j'ai pas arrêté de rêver d'enfants. Des enfants qui étaient de moi. De moi, alors que moi, je suis célibataire et que j'en ai pas moi des enfants, pas même des enfants illégitimes. Et alors, vu l'état actuel du monde, donner naissance à des enfants, ça me paraît tout simplement être un acte irresponsable. Vous avez des enfants, vous ? Cinq ? Excuse me. Il m'arrive parfois de faire de ces bourdes. Bon alors, les enfants de mes rêves, ils étaient assez jeunes. Il y en a qui marchaient à quatre pattes et d'autres qui passaient leur vie dans la salle de bains. Il faut croire qu'ils n'avaient pas de mère, parce que celle-ci n'était jamais là et les enfants n'avaient même pas appris à dire maman. Enfin, moi, ils m'appelaient pas papa non plus, non !, dans leur langage limité, ils m'appelaient «le turc». Rien à voir avec moi, qui suis de grands-parents de La Corogne et d'arrières-grands-parents de Lugo. « Hé, le turc, viens », « Hé, le turc, je veux mon miam-miam », « Hé, le turc, je me suis fait pipi dessus ». Dans l'un de ces rêves, je descends un escalier à moitié cassé, et bam, je tombe. Et c'est là que l'aîné de mes enfants me regarde sans aucune pitié et me balance : « Hé le turc, va bien te faire foutre ». C'en est trop, alors je me réveille d'un coup, dans ma réalité orpheline de ces petits anges. Un peu plus tard, j'ai rêvé de football, je jouais toujours au poste de gardien, de goal, de portier, de garde-but, de goalkeeper. Tant de noms pour une seule calamité. Il pleut toujours avant le match, du coup, le terrain est détrempé et, bien sûr, inévitablement, devant les cages, un petit lac s'est formé. Et là, surgit un attaquant qui, littéralement, me fusille avec plaisir. Dans un premier temps, j'arrête sa frappe, mais juste après, le ballon mouillé me glisse des mains et franchit, tout gonflé d'orgueil, la ligne de but. À ce moment crucial (et moi , de la croix, j'en étais pas loin), je souhaite de tout cœur me réveiller, mais non ! il faut encore que j'écoute comment, d'une seule et même voix, la tribune, derrière moi, m'insulte : traître !, vendu !, combien ils t'ont payé ?, et autres injures du même genre.
Et, ces derniers temps, mes aventures nocturnes ont été envahis par le ciné. Pas par le ciné d'aujourd'hui qui, lui, est tombé bien bas, mais par celui de l'époque, celui qui nous émouvait et qui s'infiltrait dans nos vies avec ces visages et ces expressions qui devenaient des modèles. Je me consacrais à rêver d'actrices. Et il faut voir quelles actrices : genre Marylin Monroe, Claudia Cardinale, Harriet Andersson, Sonia Braga, Catherine Deneuve, Anouk Aimée, Liv Ullmann, Glenda Jackson, et autres beautés. (Par contre, Mon Morphée, lui, n'accordait pas de Visa aux acteurs). Comme vous le voyez, docteur, la plupart sont plutôt âgées ou, d'ailleurs, ne sont plus, mais moi, dans mes rêves, elles étaient telles qu'elles apparaissaient dans leurs films d'alors. Par exemple, quand je vous dis Claudia Cardinale, je ne vous parle pas de celle d'aujourd'hui (qui n'est pas mal non plus), mais de celle de La ragazza con la valiglia, quand elle avait 21 ans.
Tenez, Maryline, par exemple, s'approche de moi et me dit sur un ton de tendre confidence : « I don't love Kennedy, I love you. Only you ». Il faut que vous sachiez que, dans mes rêves, les actrices parlent parfois en version sous-titrée, et parfois elles sont doublées en castillan. Moi, je préfère les sous-titres, parce qu'une voix comme celle de Glenda Jackson ou comme celle de Catherine Deneuve, c'est tout bonnement irremplaçable.
Mais bon, à vrai dire, si je suis venu vous consulter, c'est parce qu'hier soir, j'ai rêvé d'Anouk Aimée, pas celle d'aujourd'hui (qui, elle non plus, n'est pas mal), celle de Montparnasse 19, du haut de ses fabuleux 26 printemps. Mais, détrompez-vous. Je l'ai pas touchée et elle m'a pas touché non plus. Elle s'est juste penchée à la fenêtre de mon studio et m'a simplement annoncé (en version doublée) : « Demain soir, je viendrai te voir, mais pas à ton studio… dans ta chambre. Ne l'oublies pas.
Comment je pourrais l'oublier. En fait, ce que je voudrais savoir, docteur, c'est si les préservatifs que j'achète à la pharmacie peuvent me servir dans mes rêves. Parce que, vous savez, je voudrais pas qu'elle tombe enceinte.

mercredi 23 mars 2011

L'Eau


L'eau partout.
Douce, salée, visible et invisible.
L'eau de pluie qui vient écraser leurs solides épaules et l'eau de mer qui, en rafales, vient fouetter leur peau tannée.
L'eau puissante, verticale, qui ruisselle sur leurs corps et l'eau sournoise, en fragile suspension dans ce crachin, qui les encercle et s'infiltre au plus profond d'eux.
L'eau qui voilent leurs visages, l'eau qui anéantit leurs espoirs, l'eau qui inonde la moindre parcelle de joie innocente.
L'eau grise, sale et poisseuse, stockée depuis des jours dans les nuages, qui vient se déverser sur eux et l'eau fraîche, légère et frivole, transportée par le vent marin, qui vient leur apporter des effluves d'ailleurs et leur fait croire que le bonheur existe, loin, très loin derrière cette ligne d'horizon.
La résistance sans espoir de ces hommes à cet élément incontrôlable, insaisissable, impalpable. L'impuissance de ces montagnes de muscles face à ce liquide ravageur.
Ils luttent comme ils peuvent, le dos vouté, la tête dans les épaules, le corps recouvert du ciré jaune, sachant pertinemment qu'ils en sortiront vaincus, qu'ils rentreront chez eux liquéfiés et qu'eux même ne sauront plus faire la différence entre leur propre sueur et celle de la nature. Et ils oublieront la journée sous l'eau de la douche, dans les vapeurs humides de la salle de bains. Et, avant d'aller se coucher dans les draps humides, ils avaleront le brouet préparé par leurs femmes, liqueur frugal qui leur servira de diner.
L'eau partout. L'eau toujours.

mercredi 23 février 2011

Ascenseur

Dans la poche droite de mon pantalon, mes mains moites caressent nerveusement les billets froissés.
Je monte avec quelque difficulté les quelques marches du perron et franchis, le cœur battant, la porte d'entrée de l'immeuble. Au troisième étage, se trouve celle qui détient la clé, symbole de ma nouvelle vie, de ma naissance en tant qu'adulte. La plupart de mes amis ont déjà mis la main dessus, ils ont déjà ouvert la porte et sont passés de l'autre côté. Aujourd'hui, c'est mon tour. Et pour cette grande occasion, j'ai mis les bouchées doubles : j'ai rasé le léger duvet qui commençait à naître au dessus de ma lèvre supérieure, revêtu mes plus beaux habits et réussit à dompter, grâce au peigne paternel et à une patience sans faille, ma chevelure rebelle.
Les jambes tremblantes, je ne me sens pas le courage de monter à pied les trois étages qui nous séparent, aussi décidé-je de prendre l'ascenseur. Après tout, il serait peut-être judicieux de garder ses forces pour l'affronter. J'écarte d'une main la grille de fer et m'engouffre dans le caisson. Avant de presser le petit bouton doré qui me déposera à l'endroit désiré, je jette un dernier coup d'œil à mon reflet dans le miroir : un garçon dans la fleur de l'âge, pas un ange de beauté, mais pas trop mal non plus, des petits yeux noisettes malicieux, des traits réguliers, des cheveux aile-de-corbeau et un corps bien dessiné, le résultat n'est pas trop vilain.
Après cette petite vérification esthétique, je me décide à appuyer sur le bouton. Dans un fracas métallique, la cage se met en route et commence à courir le long du câble. L'ascenseur et le stress qui m'envahit, dans un synchronisme parfait, montent lentement, mais sûrement. Est-ce que l'argent difficilement gagné, à la sueur de mon front, suffira à payer le prix du passage ? Est-ce qu'il faudra que je lui parle ? Est-ce que, si tel est le cas, je saurai trouver les mots ?
Les questions à peine posées resteront sans réponse car un tintement cuivré m'avertit que je suis arrivé. Mes bras tétanisés par l'appréhension réussissent tant bien que mal à faire coulisser la grille de fer mais, avant de poser le pied sur le pallier, je prends le temps d'inspirer profondément afin d'évacuer les doutes, les incertitudes et les tergiversations. L'heure de fouler les planches a sonné et je saurais ne pas faire marche arrière. L'ardeur retrouvée, je m'extirpe de l'élévateur. C'est alors que je l'aperçois.
Couverte d'un simple peignoir rose, elle m'attend dans l'embrasure de la porte. Ses cheveux blonds, qui coulent jusqu'à sa poitrine, sont d'un blond étincelant ; ses lèvres, peintes en rouge, sont une invitation au péché ; ses yeux, ornés d'une ombre violette, sont des armes capables de mettre à mort quiconque croise son regard. D'un geste assuré de la main, elle m'invite à la rejoindre. Elle me regarde m'approcher, puis, lorsque j'arrive enfin à sentir les lourdes effluves de son parfum, elle me délaisse, s'éloigne de moi et avance dans le couloir de cette bonbonnière bigarrée. Prenant mon courage à deux mains, je l'imite et pénètre dans le boudoir qui recueillera le fruit de mes premiers émois. Je referme, en la faisant claquer, la lourde porte de merisier. Je suis entré dans l'immeuble en tant que jeune innocent ; quand j'en sortirai, dans quelques instants, je serai différent.

jeudi 17 février 2011

El Señor Presidente, Miguel Ángel Asturias

Miguel Cara de Ángel, el hombre de toda la confianza del Presidente, entró de sobremesa.
—¡Mil excusas, señor Presidente! —dijo al asomar a la puerta del comedor. (Era bello y malo como Satán)—. ¡Mil excusas, Señor Presidente, si vengo-ooo... pero tuve que ayudar a un leñatero con un herido que recogió de la basura y no me fue posible venir antes! ¡Informo al Señor Presidente que no se trataba de persona conocida, sino de uno así como cualquiera!
El Presidente vestía, como siempre, de luto riguroso: negros los zapatos, negro el traje, negra la corbata, negro el sombrero que nunca se quitaba; en los bigotes canos, peinados sobre las comisuras de los labios, disimulaba las encías sin dientes, tenía los carrillos pellejudos y los párpados como pellizcados.
—¿Y se lo llevó adonde corresponde?... —interrogó desarrugando el ceño...
—Señor...
—¡Qué cuento es ése! ¡Alguien que se precia de ser amigo del Presidente de la República no abandona en la calle a un infeliz herido víctima de oculta mano!
Un leve movimiento en la puerta del comedor le hizo volver la cabeza.
—Pase, general...
—Con el permiso del Señor Presidente...
—¿Ya están listos, general?
—Sí, Señor Presidente...
—Vaya usted mismo, general; presente a la viuda mis condolencias y hágale entrega de esos trescientos pesos que le manda el Presidente de la República para que se ayude en los gastos del entierro.
El general, que permanecía cuadrado, con el quepis en la diestra, sin parpadear, sin respirar casi, se inclinó, recogió el dinero de la mesa, giró sobre los talones y, minutos después, salió en automóvil con el féretro que encerraba el cuerpo de ese animal.
Cara de Ángel se apresuró a explicar:
—Pensé seguir con el herido hasta el hospital, pero luego me dije: «Con una orden del Señor Presidente lo atenderán mejor.» Y como venía para acá a su llamado y a manifestarle una vez más que no me pasa la muerte que villanos dieron por la espalda a nuestro Parrales Sonriente...
—Yo daré la orden...
—No otra cosa podía esperarse del que dicen que no debía gobernar este país...
El Presidente saltó como picado.
—¿Quiénes?
—¡Yo, el primero, Señor Presidente, entre los muchos que profesamos la creencia de que un hombre como usted debería gobernar un pueblo como Francia, o la libre Suiza, o la industriosa Bélgica o la maravillosa Dinamarca!... Pero Francia..., Francia sobre todo... ¡Usted sería el hombre ideal para guiar los destinos del gran pueblo de Gambetta y Víctor Hugo!


Miguel Gueule d'Ange, l'homme en qui le Président avait une confiance totale, arriva une fois le repas fini.
« Milles excuses, monsieur le Président ! – dit-il en entrant par la porte de la salle à manger. (Il était beau et mauvais comme Satan) – Milles excuses, monsieur le Président, j'arrive à l'instant ... c'est qu'il m'a fallu aider un bûcheron qui avait extrait des poubelles une personne blessée et je n'ai pas pu être là avant. J'informe monsieur le Président qu'il ne s'agissait en aucun cas d'une personne connue, mais d'un simple citoyen lambda.»
Le Président était, comme toujours, habillé en tenue de deuil : chaussures noires, costume noir, cravate noire, et chapeau noir qu'il n'enlevait jamais. Sa moustache plus sel que poivre, peignée aux commissures des lèvres, dissimulait des gencives sans dents, il avait la peau des joues flasque et les paupières comme pincées.
« Et vous l'avez conduit où il convenait ?... – demanda-t-il en relevant les sourcils...
– Monsieur …
– Qu'est ce que vous me chantez là ? Quelqu'un qui se targue d'être l'ami du Président de la République n'abandonne pas dans la rue une malheureuse victime, blessée par on ne sait qui. »
Un léger mouvement près de la porte de la salle à manger lui fit tourner la tête.
« Entrez, général...
– Avec votre permission, monsieur le Président, …
– Est-ce qu'ils sont prêts, général ?
– Oui, monsieur le Président.
– Que ce soit vous qui y alliez, général. Présentez à la veuve mes condoléances et remettez lui ces trois cents pesos que le Président de la République lui envoie afin qu'elle puisse payer les frais liés à l'enterrement.
Le général, qui se maintenait au garde à vous, le képi à la main droite, sans cligner des yeux, presque sans respirer, s'inclina, récupéra l'argent sur la table, tourna les talons et, quelques minutes plus trad, sortit en voiture, avec le cercueil qui enfermait le corps de cet animal. »
Gueule d'Ange se hâta de s'expliquer :
« J'ai pensé accompagner le blessé à l'hôpital, mais ensuite je me suis dit :  "Avec un mot de monsieur le Président, ils s'en occuperont certainement mieux". Et, comme je venais là, non seulement sur votre commandement, mais aussi pour vous avouer une fois de plus que je ne me remets pas de la mort de « Parrales Sonriente », causée par ces scélérats...
– Je leur en donnerai l'ordre.
– Je ne pouvais espérer rien d'autre de celui dont on dit qu'il ne devrait pas gouverner ce pays.
Le Président sursauta, comme offusqué.
– Qui « on » ?
– Moi le premier, monsieur le Président, je suis de ceux qui répandent l'idée qu'un homme comme vous devrait gouverner un pays comme la France, ou la libre Suisse, ou l'industrieuse Belgique, ou le merveilleux Danemark ! Mais la France... la France surtout... Vous seriez l'homme idéal pour guider le destin des concitoyens de Gambetta et de Victor Hugo ! »

dimanche 13 février 2011

Las ratas, Miguel Delibes

Poco después de amanecer, el Nini se asomó a la boca de la cueva y contempló la nube de cuervos reu­nidos en concejo. Los tres chopos desmochados de la ribera, cubiertos de pajarracos, parecían tres paraguas cerrados con las puntas hacia el cielo. Las tierras ba­jas de don Antero, el Poderoso, negreaban en la dis­tancia como una extensa tizonera.
La perra se enredó en las piernas del niño y él le acarició el lomo a contrapelo, con el sucio pie desnu­do, sin mirarla; luego bostezó, estiró los brazos y le­vantó los ojos al lejano cielo arrasado:
-El tiempo se pone de helada, Fa. El domingo iremos a cazar ratas -dijo.
La perra agitó nerviosamente el rabo cercenado y fijó en el niño sus vivaces pupilas amarillentas. Los párpados de la perra estaban hinchados y sin pelo; los perros de su condición rara vez llegaban a adul­tos conservando los ojos; solían dejarlos entre la ma­leza del arroyo, acribillados por los abrojos, los zara­güelles y la corregüela.

Peu de temps après le lever du soleil, le Nini sortit par la bouche de la grotte et contempla le nuage de corbeaux réunis en assemblée. Les trois peupliers noirs écimés, peuplant la rive, ressemblaient, couverts de volatiles, à trois parapluies fermés, les pointes orientées vers le ciel. Les basses-terres de Don Antero le Puissant noircissaient au loin comme du charbon. La chienne se blottit entre les jambes du garçon qui, sans un regard et de son pied nu et sale, la caressa à contrepoil. Il se mit ensuite à bailler, étira ses bras et leva les yeux vers le lointain ciel satiné.
« Les premières gelées sont sur le point d'arriver, Fa. Dimanche, nous irons chasser les rats – déclara-t-il. »
La chienne remua nerveusement sa queue rognée et fixa ses vives pupilles jaunâtres dans celles du garçon. Les paupières de la chienne étaient enflées et glabres : rares étaient les chiens de sa condition à atteindre l'âge adulte les yeux intacts. La plupart du temps, ils les perdaient dans les broussailles des fleuves, arrachés par les chardons, les roseaux et le liseron.

vendredi 11 février 2011

Gracias por el fuego, Mario Bendetti

La ventana se abre a la calma chicha. Allá abajo, los plátanos. Por lo menos la mitad de las hojas están inmóviles, y el movimiento de las otras es apenas un estremecimiento. Como si alguien les hiciera cosquillas. Transpiro como un condenado. El aire está tenso, pero ya sé que nada va a estallar. ¿Qué puedo decirme? Éste es el momento, estoy seguro. En los días en que estuve alegre, siempre me falseé, siempre creí en lo que no soy, la vida color de rosa, etcétera. En las noches en que me sentí tan mal como para llorar a gritos, no lloré a gritos sino silenciosamente, tapado por la almohada. Pero allí también uno exagera. No se puede ser lúcido con el pecho
hinchado de congoja, o de desesperación. Mejor llamémosle desesperación. Sólo para mí, claro. Que los demás cuelguen sus etiquetas: hipocondría, neurastenia, luna. Yo he llegado a un pacto conmigo mismo y por eso la llamo desesperación. Éste es el momento, estoy seguro,
porque no estoy alegre ni desesperado. Estoy, cómo decirlo, simplemente tranquilo. No, ya me falseo. Estoy horriblemente tranquilo. Así está mejor.

La fenêtre s'ouvre sur un calme plat. En contrebas, les bananiers. La moitié des feuilles au moins reste immobile, et le mouvement des autres n'est guère plus qu'un frémissement. Comme si quelqu'un les chatouillait. Je transpire à grosses gouttes. Il y a de l'orage dans l'air, mais je sais déjà que rien ne va éclater. Qu'est-ce que je peux me dire ? Le moment est arrivé, j'en suis sûr. Les jours pendant lesquels je fus heureux, je me suis toujours leurré, je me suis menti à moi même, croyant à la vie en rose, … Ces nuits où je me sentais si mal que j'aurais pu hurler de chagrin, je ne l'ai pas fait, j'ai pleuré silencieusement, la tête dans l'oreiller. Mais, là aussi, on exagère ; on ne peut être lucide avec le cœur gonflé d'angoisse, ou de désespoir. Appelons-le plutôt désespoir. Du moins en ce qui me concerne, c'est clair. Les autres, qu'ils mettent dessus le nom qu'ils veulent : hypocondrie, neurasthénie, inconstance. Moi, je suis arrivé à un pacte avec moi-même et c'est pour cela que je l'appelle désespoir. C'est le moment, j'en suis sûr, parce que je ne suis ni heureux, ni désespéré. Je suis, comment dire, juste tranquille. Non, encore une fois, je me leurre. Je suis horriblement tranquille. Oui, c'est plutôt ça.

mercredi 9 février 2011

La uña, Max Aub

Querida mujercita mía,
Siempre me dices que te cuente cosas de mis viajes. Créeme, esto es lo más tonto del mundo; todos los puertos son iguales y, na­turalmente, todos los países son los mismos; si no fuese por la lejanía que me separa de ti, me figuraría estar en nuestro puerto y surcando nuestro mar cons­tantemente; hace más calor, hace más frío, según; pero eso también lo tenéis vosotros naturalmente, sin moveros, con el invierno y el verano, no como noso­tros, que parece que nos los vayamos fabricando a placer.
El no poder vivir contigo en nuestra casa, es lo que me hace notar las distancias; miro el mapa y me digo; estoy a tantas horas de las zapatillas rojas con bordados negros, que me regalaste para mi san­to, hace dos años. Pero, referente a cuanto me pre­guntas acerca de impresiones nuevas, te repito que todo es igual a nuestro puerto y a nuestro mar. Lo demás, querida, son historias.

Ma chère petite femme,
Tu me demandes toujours de te raconter mes souvenirs de voyage. Crois-moi, il n'y a rien de plus inintéressant. Tous les ports se ressemblent et, par conséquent, tous les pays sont les mêmes. Si ce n'était la distance qui me sépare de toi, je m'imaginerais dans notre port, sillonnant sans cesse les flots de notre mer. Il fait plus chaud, il fait plus froid, c'est selon ; mais vous aussi, sans vous déplacer, avec l'hiver et l'été, tout naturellement vous avez la même chose, contrairement à nous qui créons, semble-t-il, les saisons à notre fantaisie.
Le fait de ne pouvoir vivre à tes côtés dans notre maison, voilà ce qui me fait ressentir l'éloignement. Je regarde la carte du monde et je me dis : « Je suis à des heures de ces chaussures rouges ornées de noir que tu m'as offertes pour ma fête, il y a deux ans ».
Mais, en ce qui concerne tes questions au sujet de mes impressions nouvelles, je te répète que tout est identique à notre port et à notre mer. Le reste, chérie, ce sont des histoires.

lundi 7 février 2011

Las aventuras del capitán Morris, Adolfo Bioy Casares

Morris no tenía miedo ; tal vez si hubiera conocido el miedo se hubiera defendido mejor. Afortunadamente, le interesaban las mujeres, "y usted sabe cómo les gusta agrandar los peligros y lo cavilosas que son". La otra vez la enfermera le había tomado la mano para convencerlo del peligro que lo amenazaba; ahora Morris la miró en los ojos y le preguntó el significado de la confabulación que había contra él. La enfermera repitió lo que había oído: su afirmación de que el 23 había probado el Breguet en El Palomar era falsa; en El Palomar nadie había probado aeroplanos esa tarde. El Breguet era de un tipo recientemente adoptado por el ejército argentino, pero su numeración no correspondía a la de ningún aeroplano del ejército argentino. "¿Me creen espía?", preguntó con incredulidad. Sintió que volvía a enfurecerse. Tímidamente, la enfermera respondió: "Creen que ha venido de algún país hermano." Morris le juró como argentino que era argentino, que no era espía; ella pareció emocionada, y continuó en el mismo tono de voz : "El uniforme es igual al nuestro ; pero han descubierto que las costuras son diferentes." Agregó : "Un detalle imperdonable", y Morris comprendió que ella tampoco le creía. Sintió que se ahogaba de rabia, y, para disimular, la besó en la boca y la abrazó.

Morris n'avait pas peur. S'il avait connu la peur, peut-être se serait-il mieux défendu. Par chance, les femmes l'intéressaient, « et vous savez bien comme elles aiment exagérer les dangers et comme elles s'inquiètent à outrance ». L'autre jour, l'infirmière lui avait pris la main pour le convaincre du danger qui planait sur lui. Aujourd'hui, Morris la regarda dans les yeux et lui demanda ce que signifiait ce complot contre sa personne. L'infirmière lui répéta ce qu'elle avait entendu : son affirmation selon laquelle le 23, il était monté à bord du Breguet à El Palomar était fausse ; cette après-midi là, aucun avion n'avait effectué de vol. Le Breguet faisait partie d'un modèle récemment adopté par l'armée argentine, mais sa numérotation ne correspondait à celle d'aucun avion de cette même armée. « Croient-ils que je suis un espion ? » lui demanda-t-il, incrédule. Il sentit que la fureur le gagnait de nouveau. Timidement, l'infirmière répondit : « Ils pensent que vous venez d'un pays allié ». Morris lui jura, comme argentin, qu'il était argentin, qu'il n'était pas un espion. Elle parut émue, mais poursuivit sur le même ton : « L'uniforme est le même que le nôtre, mais ils ont découvert que les coutures étaient différentes ». Elle ajouta : « Un détail impardonnable », Morris comprit alors qu'elle non plus ne le croyait pas. Il sentit la colère l'étouffer et, pour le dissimuler, il l'embrassa sur la bouche et l'étreignit.

samedi 5 février 2011

El fin de la locura, Jorge Volpi

La historia de su crimen posee una economía dramática ejemplar. Imaginemos la escena: en una típica casa burguesa de provincias, la estricta señora Lancelin y su hija Géneviéve pasan la tarde bordando pañuelos o jugando a las cartas; en el otro extremo de la propiedad, sus dos sirvientas, pulcras y uniformadas, bregan con sus propias labores: mientras Christine plancha la ropa —nadie deja los corpinos tan bien almidonados como ella—, la pequeña Lea pliega las prendas y las coloca en las gavetas de sus amas. La previsible rutina se quiebra de pronto cuando uno de los apagones que con tanta frecuencia se producen en la zona sumerge la casa de la señora Lancelin en una tiniebla violenta y azulosa. Como una señal acordada —esa imprevista oscuridad es la llamada al reino de la insania—, Christine se transforma en un ángel de venganza, en una parca, en la irracional ejecutora de un dios enloquecido.

L'histoire de son crime jouit d'une économie dramatique exemplaire. Imaginons la scène. Dans une maison bourgeoise de province des plus typiques, la sévère madame Lancelin et sa fille Géneviéve passent l'après-midi à broder des mouchoirs ou à jouer au cartes, alors qu'à l'autre extrémité de la demeure, leurs deux employées de maison, parfaitement soignées dans leurs uniformes, se consacrent aux travaux qui sont les leurs : pendant que Christine repasse le linge –-personne n'amidonne mieux les bustiers–-, la jeune Lea plie les vêtements et les range dans les tiroirs de ses maîtresses. La prévisible routine se brise lorsque, soudainement, une de ces pannes d'éléctricité, si fréquentes dans cette zone, plonge la maison de madame Lancelin dans de violentes ténèbres bleutées. Comme s'il s'agissait d'un signal convenu –-cette obscurité imprévue étant l'invitation au royaume de l'insanité–- Christine se transforme en un ange de vengeance, en une Parque, en l'exécutrice irrationnelle d'un dieu déchaîné.